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L’amour de Dieu

Mars 2016 

Il est intéressant de constater comment les bâtiments se dégradent rapidement une fois abandonnés alors que durant des siècles, ils ont pu être invariablement préservés. On parle souvent de reprise de droits par la nature, mais est-​ce réellement le cas ? Ces lieux à l’abandon se dégradent principalement par l’action de l’Homme : des visiteurs mal intentionnés taguent, cassent, voire brûlent des éléments essentiels du patrimoine de nos régions. Certains monuments, autrefois classés, peuvent être détruits par ces dégradations souvent effectuées en l’espace d’une année. Dégradations, vols, tags, tel est le sort des lieux à l’abandon, transformés en zone de non-​loi où chacun semble retourner au stade de l’animal primaire. Primaire parce que dans ces lieux les visiteurs ont le besoin de laisser une marque (un peu comme les chiens sur les jantes de votre voiture ce matin).

Pourquoi ce besoin ?

Pour essayer de faire obstacle à une autre empreinte : celle du temps. Difficile de résumer en quelques lignes les Pensées de Pascal, mais lui mieux que quiconque a su mettre des mots sur notre angoisse la plus profonde : nous sommes condamnés à mourir et à tomber dans l’oubli. Si dans notre quotidien nous sommes sans cesse à la recherché d’activités (au hasard la photographie ?) pour essayer d’éloigner de notre esprit cette fatalité, les lieux abandonnés nous rappellent incessamment notre fugacité dans le temps.

En effet face à ce couvent en ruine, comment né pas s’interroger sur sa forme primitive : Comment était l’autel ? Que représentait la fresque dont il né reste que l’ombré ? A qui appartenait ce fauteuil roulant ? Quelle était la voix du prête les dimanches de sermons ? Car l’ironie suprême de ces images se trouve bien dans le fait que nous sommes dans un couvent abandonné. Un couvent, une chapelle, l’espace dédié à la croyance de Dieu, l’être omniscient, omniprésent, éternel.

La foi, cristallisée en un lieu béni, protégée, n’aurait-elle pas dû résister aux assauts du temps ; le divin n’est-il pas censé survivre à l’humain ?

Monstres rouillés

Novembre 2014

C’était un automne pluvieux alors pour me mettre au sec je me suis engouffrée dans un trou de lapin… Je venais d’entrer dans un repaire de monstres.

La lumière passait mal au travers des fenêtres poussiéreuses et mes pieds laissaient des empreintes sur le sol maculé. Maculé de quoi ? de souvenirs peut-​être.

Je les observais mais c’est eux qui me contemplaient, du haut de leur métal, de leur usure, de leur âge… Leur forme, leur langage m’était inconnu… Pourtant ces monstres de fer semblaient attendre quelque chose de moi, que je les comprenne, que les plaigne, que je leur rende un peu de leur grandeur perdue…

Mais je né suis pas sur, je né suis pas sur de les comprendre. Après tout ce sont des monstres et les monstres font toujours un peu peur… Alors j’ai tiré leur portrait, dans la lumière de poussière, tout doucement pour pas qu’ils prennent peur ou né me morde.

Ils eurent l’air satisfait, et, lorsque je repoussais la porte vers la pluie, il y eu comme un frémissement, un soupir mélancolique…